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ARCHITECTURE… URBANISME…
LE RENOUVEAU ARCHITECTURAL DES ANNÉES 60

“Maudits lyonnais”, exposition présentée au Fort de Vaise (Lyon 9e) en 2020, mettait en lumière le “Renouveau des arts plastiques à Lyon au cours des années 1960”.
Dans ce cadre une conférence débat était consacrée aux architectes lyonnais qui en ces années participèrent de ce vent de renouveau qui balaya un espace culturel lyonnais encore confiné dans ses murailles.
Page “Architecture… Urbanisme” : Jacques Rey
Assisté de Marie-Noëlle Gillet
En 1959, Roger Planchon installe à Villeurbanne le Théâtre de la Cité devenu en 1972 le TNP.
En 1962, l’Association Générale des Étudiants Lyonnais (AGEL), dirigée par Alain Crombecque, exposa, dans la mairie du troisième arrondissement, une nouvelle génération d’artistes lyonnais qui avait été révélée dès 1957 par la galerie Noël Grange et en 1961 par l’éphémère galerie “La jeune Parque”.
Fondateur en 1952 de la revue de cinéma “Positif”, Bernard Chardère lance en 1959 la revue et le cinéclub “Premier Plan”.
En 1969, Louis Erlo devient directeur de l’antique Opéra de Lyon qu’il transforme en Opéra Nouveau.
Ce milieu culturel fréquente le théâtre de Villeurbanne, le théâtre du Cothurne rue des Marronniers, le Hot club, la librairie “La Proue” rue Childebert, le cinéclub “Premier Plan” où il découvre les œuvres cinématographiques novatrices et rencontre des cinéastes tel Joseph Losey, les galeries Folklore, Verrière et l’Œil Écoute, les cafés de Flore lyonnais “le Caveau”, “le Français” ou “la Brioche”.
Participent de cette effervescence, où se confrontent idées et projets, certains élèves de l’École Régionale d’Architecture férus de modernité. En 1967, leurs actions militantes obtiennent d’André Malraux, Ministre la Culture, la décentralisation dans le sud-est de l’enseignement de l’architecture puis, après mai 68, la création à Lyon d’une école régionale autonome séparée des Beaux-Arts.
En 1955, le Ministre de la Reconstruction et du Logement, Claudius Petit, avait choisi une équipe de jeunes architectes, dirigée par René Gagès et Frank Grimal, pour concevoir l’Unité de voisinage de Bron Parilly. Cette opération expérimentale entraina des mutations profondes dans les techniques, les architectures, les conceptions urbanistiques et l’enseignement.
En 1949, des élèves architectes rejetèrent le traditionalisme de l’Atelier Tony Garnier et fondèrent un Atelier d’enseignement dissident. Ils choisirent comme professeurs deux jeunes architectes novateurs : René Gagès et François-Régis Cottin. L’Atelier Gagès/Cottin s’installera 3 rue de Savoie au centre de Lyon. L’Atelier de la rue de Savoie, rejeté par l’École des Beaux-Arts de Paris, se saborde en 1964. Ses élèves rejoignent l’Atelier Tony Garnier.
En 1967, à la demande des étudiants, René Gagès prend la direction de l’Atelier Tony Garnier assisté de François-Régis Cottin et d’architectes proches du mouvement moderne.
Architectes et artistes fréquentant la galerie Marcel Michaud travaillent souvent en symbiose : le ferronnier d’Art Yves Bouget, le designer Jean-Pierre Vincent, les sculpteurs Jean Amado et Étienne Martin, le peintre Claude Idoux.
Georges Bacconnier, architecte issu de l’Atelier de la rue de Savoie, metteur en scène, comédien et ami de Roger Planchon conçoit la première restructuration du Théâtre de la Cité à Villeurbanne.
Les architectes exerçant au cours des années 60 dans l’agglomération lyonnaise ont pour la plupart été formés avant, pendant et après l’Occupation par l’École Régionale d’Architecture de Lyon.
Aucun n’avait été élèves de Tony Garnier. Celui-ci en 1937, ayant été mis d’office à la retraite par Édouard Herriot, s’était installé dans le midi.
L’Atelier Tony Garnier était dirigé par Pierre Bourdeix et Louis Piessat. Ces architectes ignoraient, voire rejetaient les principes du mouvement moderne particulièrement Le Corbusier.
Leur enseignement avait été régulièrement contesté par des élèves comme René Gagès et Michel Marin. Ceux-ci fréquentaient la galerie Folklore animée par Marcel Michaud et un architecte-peintre Louis Thomas. Ils y rencontrèrent des acteurs et des œuvres du mouvement moderne international en Art et en Architecture tels le peintre cubiste Albert Gleizes, le sculpteur Étienne Martin, un des maîtres du BAUHAUS Max Bill et y découvrirent les meubles des architectes Marcel Breuer et du finlandais Alvar Aalto.
Eugène Claudius-Petit est au début de l’Occupation professeur de dessin au Lycée Ampère, il expose dans la galerie Folklore. C’est possiblement là qu’il fait la connaissance de Le Corbusier dont il deviendra l’ami et le principal soutien politique.
Un de ses lycéens Charles Delfante devient, dans les années 60, architecte urbaniste de Firminy-vert puis de la Ville de Lyon.
Dans cette galerie René Gagès se lie d’amitié avec le critique d’art Jean-Jacques Lerrant, fils de Victor Robert architecte marquant des années 30 à Lyon.
Dans les années 60, René Deroudille, critique d’art lyonnais, écrit dans deux revues mythiques de la modernité artistique et architecturale, dirigées par l’architecte sculpteur André Bloc : “Architecture d’Aujourd’hui” et “Aujourd’hui Art et Architecture”.
Jean-Jacques Lerrant et René Deroudille sont en 1956 à l’origine de l’exposition Le Corbusier au Musée des Beaux-Arts de Lyon, alors que, suite aux conseils du père Couturier, les Dominicains construisent avec Le Corbusier le couvent de la Tourette achevé en 1959.
À la même époque l’État met en place une planification centralisée de la construction, de l’urbanisation et de l’aménagement du territoire.
Il s’agit de moderniser la France en accélérant le passage du rural à l’urbain et d’imaginer en termes nouveaux la conception de l’habitat, de la ville et du territoire. Face à l’inefficience des solutions traditionnalistes, s’imposent les principes de la Charte d’ Athènes élaboré en 1933 par le quatrième Congrès International de l’Architecture Moderne (CIAM) consacré à la planification et la construction des villes. La synthèse de ce congrès écrite par Le Corbusier avait été publiée par Plon en 1943.
La maîtrise de la croissance urbaine et la résolution de la question du logement apparurent comme un enjeu historique, enthousiasmant la génération des architectes diplômés après la libération.
Le logement et l’urbanisme devinrent les thématiques majeures de l’architecture, alors que jusqu’en 1964 elles restèrent absentes des programmes d’études proposés aux élèves par l’enseignement Beaux-Arts.
Proches des idées de l’économiste philosophe Saint-Simon, les CIAM pensèrent que ces objectifs ne pourraient être atteints que par l’industrialisation du bâtiment. La création architecturale devrait donc conjuguer l’Art et l’Industrie pour répondre à la question sociale.
Ces idées furent celles de Le Corbusier, de Jean Prouvé, de Walter Gropius fondateur du BAUHAUS, des constructivistes soviétiques. Elles dépassèrent celles de l’utopie socialisante de Tony Garnier. Elles feront naître un nouveau vocabulaire formel inspiré de celui des machines comme les avions ou les locomotives et de celui des artistes expressionnistes, futuristes et cubistes.
En 1960, alors qu’à Paris se fonde l’AUA, à Lyon, explorant de nouveaux modes d’exercices de la profession naît l’Atelier René Gagès. Il regroupe René Gagès, trois ingénieurs et quatre architectes, fondateurs de l’Atelier d’école de la Rue de Savoie : Henri Borrel, André Longeray, René Ravet et Gabriel Roche rejoint en 1965 par un parisien Paul Mertens.
“Le Montgolfier” Architecte René Gagès - Céramiste Jean Amado
©Marie Noëlle Gillet
L’Atelier René Gagès, influencé par Le BAUHAUS, s’illustre par des projets urbains novateurs tels - le quartier de Caluire - Montessuy avec Michel Bourne, le paysagiste de Bron Parilly, - la cité EDF de Meximieux première réalisation d’urbanité proliférante, - par la construction d’immeubles de logements innovants tels : avec l’artiste Jean Amado “le Mongolfier” Lyon 6ème, avec l’artiste Claude Idoux et le sculpteur Maxime Descombin “la résidence Claire” à Lyon 3ème. L’Atelier acquière une dimension internationale en réalisant à Berlin-Ouest le grand ensemble du Markisch-Viertel.
Pierre Tourret, ancien de l’équipe de Bron-Parilly, conçoit au sommet de la montée des Esses à la Croix-Rousse une des œuvres marquante des années 60 l’immeuble d’habitation : “le Beaux Site” s’apparentant à celui d’Oscar Niemeyer à Berlin-Ouest.
François-Régis Cottin est plus proche de Louis Khan que de Le Corbusier. Sa grande œuvre est le quartier de la Duchère conçu avec Franck Grimal assisté du paysagiste Michel Bourne. Au cœur de ce quartier adulé puis maudit et démoli, il subsiste deux architectures majeures “la Tour Panoramique” et “l’Église Notre Dame du Monde Entier”.
Villa Erlo Architecte François-Régis Cottin
©Georges Fessy
En 1962 Cottin construit “les Cèdres” à Lyon Saint-Just. Les façades métalliques de cet immeuble sont dues à Jean Prouvé, sa structure ponctuelle permet la liberté des plans de logements. Il conçoit la maison de Louis Erlo à Ecully. Le musicien de jazz Dominique Fau est dessinateur au sein de son agence.
Partageant avec Cottin les locaux de la place Antonin Poncet, Pierre Genton avait quitté en 1948 l’Atelier Tony Garnier pour poursuivre ses études à Paris dans l’Atelier d’Auguste Perret. Il travailla de 1948 à 1949 chez Le Corbusier et avait suivi à Venise l’école des CIAM.
Pierre Genton emploi comme dessinateur le peintre Jacques Peyzerat et collabore avec des artistes de la Galerie Michaud : Jacques Bouget, Étienne Martin, Jacques Poncet, Georges Adilon. En 1965 il conçoit “l’Église Notre Dame de Balmont” dans le quartier de la Duchère et en 1968 en collaboration avec Paul Rostagnat et Robert Dussud le siège du syndicat général des entreprises de BTP à Villeurbanne.
Frank Grimal qui avait au cours de ses études fréquenté l’avant-garde culturelle parisienne, est le type de l’architecte rationaliste. Il poursuit la démarche d’industrialisation engagée à Bron-Parilly et expérimente ses recherches dans la construction de nombreux logements dans l’agglomération lyonnaise puis en Algérie où il avait longtemps séjourné dans sa jeunesse. Avec le ferronnier d’Art Jaques Bouget il conçoit le clocher de la chapelle de semaine de la “Paroisse de l’Épiphanie” quartier des Minguettes à Vénissieux.
Après avoir contesté sans succès avec Michel Marin en 1942 l’enseignement de l’Atelier Tony Garnier, Jean Zumbrunnen citoyen franco- suisse poursuivit ses études à Lausanne. De retour à Lyon il étudie un projet urbain pour la Part-Dieu. Ce projet est abandonné au profit de celui de Charles Delfante. Il n’en construira que l’amorce : l’ensemble Moncey-nord, rigoureuse et remarquable application des principes architecturaux et urbanistiques du Mouvement Moderne.
En 1967 Jean Zumbrunnen participe avec Franck Grimal à la création d’Archigroup.
Michel Marin, autre acteur de Bron-Parilly, met en œuvre avec rigueur les principes inspirés de ceux des CIAM. En 1962, son projet en bord de Saône du “Port des Monts d’Or” constitue l’une des références lyonnaises de la modernité. Ami de Jean-jacques Lerrant , il est proche d’artistes de la Galerie Marcel Michaud, des peintres René Chancrin, Pierre Pelloux et Maurice Ferréol.
“Port des Monts d’Or” Albigny s/Saône - Architecte Michel Marin
©Georges Fessy
D’autres réalisations significatives des années 60 sont l’œuvre d’architectes situés dans la périphérie du mouvement moderne lyonnais.
En 1961, Paul Rostagnat produit un petit immeuble corbuséen rue Saint Lazare dans le quartier de la Guillotière.
“Immeuble de logements 13 rue Saint Lazare Lyon 7°” Architecte Paul Rostagnat
©Georges Fessy
Auguste Murat, assisté par Georges Chapazof élève de l’Atelier de la rue de Savoie, conçoit en 1964 à l’angle du cours de la liberté et de la rue Mazenod l’immeuble “le Constellation”.
En 1963, Alain Chomel descendant d’une grande lignée d’architectes lyonnais révèle sa forte personnalité en construisant l’hôpital neurologique de Bron y associant les artistes Henri Castella et Henri Lachièze-Rey et “l’Église Saint-Jean Apôtre” avenue Viviani aux confins de Lyon et de Vénissieux.