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HOMMAGE À « JOSEF CIESLA »

Lorsque nous avons entamé l’écriture du projet qui s’intitulerait finalement les « Lumières de Tenebris », j’étais loin d’imaginer l’ampleur des émotions que je m’apprêtais à vivre. Petit retour vers le passé.
Jean Mereu
Texte et photos : Jean Mereu
Dès le milieu des années 70, avec Josef, nous avons partagé plusieurs projets communs : « Avec les Loups », montage audiovisuel consacré à son oeuvre d’alors, un groupe de structures résonantes pour mes concerts en solo et surtout l’aménagement de mon séjour avec une cheminée en inox et un escalier de toute beauté. Dès lors, nous ne nous sommes jamais perdus de vue.
Pendant toute cette période et au-delà, Josef se consacrait avec grand succès à ses sculptures monumentales, plus de 75 au total, dont le célèbre « Poisson Lune » qui embellit l’un des squares de Villeurbanne, « Les Trois Temps » au Conseil Général de l’Isère, ou encore « Welon » et « Empreintes et Résurgences », en hommage à Jean Moulin, pour l’Université de Lyon 3. Il m’arrivait parfois d’assister à leur inauguration.
Plus tard, et parallèlement, advinrent les sculptures tissées, dessinées par Josef et réalisées avec talent par Paulette.
Une exposition-rétrospective au Centre Culturel de Tassin-la-Demi-Lune me permit d’en admirer la magnificence.
Conjointement, Josef fabriquait des objets sculptés plus minimalistes, innombrables, comme les « Cadoles » petites boîtes pluri-matériaux, inspirées par les refuges en pierre que l’on trouve dans le Beaujolais, et surtout les céramiques composites de terre, bois, métal, tissage… visibles dans une annexe de la maison d’Artas au jardin empli d’innombrables chefs-d’oeuvre.
Quasi secrètement, Josef, qui, suite à une critique de son amie Colette Magny, avait détruit bon nombre de ses tableaux, continuait pourtant le dessin et la peinture. Pour Josef, le dessin était l’art premier, pour lequel il avait reçu les leçons de son maître, Joseph Belloni. Bien sûr, il utilisait le dessin pour ébaucher toutes ses oeuvres sculptées, mais là, il devint primordial, ainsi que la peinture. J’ai le souvenir particulier des tableaux forts en couleurs douces et vives inspirés par la poésie sensible d’Andrée Chedid, et, plus récemment, de l’exposition organisée en son honneur, à Nivolas-Vermelle, en juillet 2021. D’immenses dessins et quelques tableaux en emplissaient la vieille église. Je fus surtout frappé par « I can’t breath » dessins très noirs, travaillés au chiffon, griffés parfois, dédiés à George Floyd assassiné par la police de Minneapolis.
J’y retrouvais le Josef des premières années. L’écorché vif, le révolté avec un art adressé à l’humanité toute entière. C’est ainsi que nous envisagèrent de nous revoir. Commença alors l’épopée de « Tenebris ».
©Aperçu du livre d'art "Les Lumières de Tenebris"
Lors de la première visite qui s’ensuivit, je fus saisi par la force et la facture nouvelle qui se dégageaient de ses tableaux récents : « Les Migrants », « Le Clown », « A la Vie, à l’Amour, à la Mort » et par la force qui en émanait. Il y avait, aussi sur le chevalet de l’atelier, le tableau, baptisé ultérieurement « Tenebris » , sur lequel Josef travaillait depuis plusieurs mois…
Nous convinrent ce jour là, à partir du journal de bord que Josef écrivait, de tenter un récit… J’eus le bonheur d’en rédiger le texte et de participer à son élaboration en livre d’art avec Josef, Paulette et Jean-Pierre Huguet, avec Laure et Christophe Cédat…
Je ne peux que vous le recommander… Vous savez aussi les circonstances particulières de sa signature. Quelques uns et quelques unes d’entre vous en étaient…
Pendant tous ces derniers mois marqués par cette terrible épidémie, Josef s’affaiblissait, mais continuait à résister, à exposer son « Serpent » de soixante mètres de long à la Biennale de Fareins… à peindre, à dessiner, marqué par la conduite du monde, presque jusqu’à son dernier souffle… Et, il était là pour nous recevoir et lancer encore « Na zdrowie!!! ».
Pour finir, je voulais faire entendre quelques paroles de Josef le philosophe, empreint de Gaston Bachelard, l’ami de Pierre Rabhi, l’adepte des Moines de Tamié… :
« Sans la beauté, je ne peux pas vivre, sans la bonté non plus, sans la mort, je ne peux pas vivre non plus ».
« Il n’y a pas un espace pour la beauté, tout l’espace est pour la beauté».
« Trois choses sont essentielles pour moi : la Nature, la Femme et la Science ».
« A chaque moment de notre vie, on a l’idée de la Mort, mais chaque fois que nous avançons un peu plus, cette idée de la Mort s’éclaire davantage. L’idée qu’on en a, à 18 ans, à 30 ans, à 40 ans, n’est pas la même. On sent bien qu’il y a quelque chose qui est là, qui est impalpable… Je n’ai pas peur de la Mort, ce qui m’embête, c’est de laisser les miens… ».
« J’aurais pu mourir en escaladant le périlleux Mont Aiguille, j’aurais aussi aimé être inhumé au joli cimetière de Zakopane en Pologne… Peut-être le serais-je dans mon jardin ? ».
JEAN MEREU
le 14 septembre 2023