- Tribune de libre expression
VIVE LE MARCHÉ DE LA CRÉATION ?
RENAISSANCE DU VIEUX-LYON (69005)

©lyon-rvl.com
Après un travail de refonte du règlement du marché et de son fonctionnement, notamment le mode de sélection des artistes, la municipalité mise sur une chargée de mission afin de veiller sur le Marché de la Création et celui de l’Artisanat, mais plus largement pour développer la nouvelle politique de la Ville de Lyon en ce domaine. Nous ouvrons nos colonnes à JEAN-YVES LOUDE, fondateur du Marché de la Création, qui, fort de son expérience, exprime ses craintes sur l’avenir de celui-ci après la suppression du poste de commissaire d’exposition...
article issu du magazine RVL - N° 160 - Juin 2023
© Yves Neyrolles
Ambiance dominicale sur la Promenade Annie et Régis Neyret.
À gauche, Eleni Pattakou, une habituée du Marché de la Création.
À droite, le 14 mai dernier, pour le « Grand Marché Ouvert ».
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« En 1978, je développai l’idée du Marché de la Création dans le Livre Blanc de la Culture, rédigé à la mort de Louis Pradel. Le journal Le Monde salua ce projet. L’adjoint à la Culture, André Mure, me demanda de le réaliser. La première édition eut lieu le 13 mai 1979. Soleil intense, foule immense, les exposants se bousculaient. Mais le Marché fut victime de son succès. Le public répondit avec un tel plaisir que la Ville de Lyon ne jugea pas utile, dans les premières années, de l’encadrer ni de faire respecter la « règle du jeu » indiquant clairement que ce Marché était destiné à la création artistique, aux peintres, graveurs, sculpteurs, céramistes d’art, photographes… D’où de rapides débordements. Pendant huit ans, je fus quasiment seul à affronter, bénévolement, les demandes de participation, à faire le tri entre créateurs et opportunistes bimbelotiers. Sachant qu’aucune autorité n’était désignée, le dimanche, pour faire respecter les décisions prises. Ces dérives obligèrent André Mure, en 1987, à créer un poste de commissaire permanent, assisté d’une commission réunissant des personnalités reconnues du milieu culturel (Annie Neyret en fit partie), afin de rendre au Marché de la Création sa vocation singulière de galerie d’Art à ciel ouvert, tous les dimanches de 8h à 13h, par tous les temps.
C’est cette force complémentaire, commissaire plus commission, qui explique la pérennité du Marché, seule manifestation de ce type en Europe à favoriser un rapport naturel entre artistes et visiteurs, sans crainte ni contrainte. Pendant quatre décennies, le Marché a permis à des créateurs de se révéler, de rencontrer acheteurs et galeristes, de vivre de leur art. Citons pour exemple le graveur Philippe Tardy, exposé internationalement, édité, et resté fidèle au Marché de ses débuts.
Ce sont les commissaires qui organisent les concours d’affiches, gèrent les relations avec la Presse, proposent des adaptations aux règlements, facilitent la délimitation entre art et artisanat, dans le but de restituer au Marché la définition créative de ses origines. Pour cela, il a fallu répéter aux différents responsables de la Culture qu’il n’existait pas de hiérarchie entre l’élitisme de la Biennale des Arts et la vocation populaire du Marché de la Création qui aide, chaque semaine, les publics à aiguiser leurs regards et à développer leurs exigences.
Ce sont encore les commissaires qui peuvent, en liaison avec les écoles d’Art, stimuler les plasticiens en devenir à investir le Marché. En mai 2019, le Marché fêta ses 40 ans lors d’une ample manifestation soutenue par la Ville.
Or, profitant de la démission du dernier commissaire en poste, début 2020, la nouvelle équipe municipale ne jugea pas bon de le remplacer, laissa le Marché orphelin plutôt que de stimuler la reprise d’activité après la crise Covid. La commission de professionnels bénévoles ne fut ni informée, ni remerciée. L’adjointe à la Culture ignore les demandes de rendez-vous de concertation. Le service des Halles et Marchés, malgré sa bonne volonté, n’a pas la compétence pour juger de la qualité d’oeuvres qui, nous fait-on savoir, devraient, à terme, être estimée par un regroupement d’usagers du Marché et d’exposants. Une bien étrange composition. Rien n’est dit sur le contrôle sur place, le dimanche matin. Qui s’en chargera ? Doit-on conclure que la seule raison de ce mauvais coup porté au Marché soit purement économique : récupérer deux jours de maigre salaire payé à un commissaire indispensable ? On n’ose y croire. »
article issu du magazine RVL - N° 160 - Juin 2023
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